
Je suis une incorrigible romantique. Vous l’aurez bien compris, en lisant les mariages ou le coup de foudre. Il fallait que je casse tout de même un peu cette nuée de bons sentiments, en abordant des sujets plus scabreux et polémiques autre que les punaises de lit.
J’ai nommé la pornographie.
Si tu as moins de 18 ans, éteins ton support digital s’il te plaît.
La pornographie a toujours existé. Dès l’Antiquité, les Romains peignaient à l’intérieur des riches villas aristocratiques et des bordels des images que réprouvaient la morale. En Chine, peintures, sculptures et littératures ne craignaient pas la censure. Au début du XXème siècle, on s’échangeait sous le manteau (cette expression me provoque automatiquement la vision du pervers en imperméable) des photographies ou des dessins. Un pour tous, tous pour le porno.
Puis, le cinéma et Internet sont arrivés : et là, nous sommes passés à la vitesse supérieure pour un big bang de folie. Auparavant diffusés dans les salles obscures des cinémas des Grands Boulevards, le Web a provoqué une consommation strictement privée et une démocratisation de l’accès aux films pornographiques. Résultat : une surconsommation permanente à toute heure et l’avènement du porno gonzo où il ne s’agissait que d’une succession de figures imposées.
Le scénario dans le film pornographique est toujours d’une finesse et d’une complexité psychologique si profonde… Non, je plaisante. Soit cela commence in medias res, soit on débute sans que l’on ne comprenne trop pourquoi mais très vite, on est lancés dans la course au coït. Après tout, un scénario d’Hollywood tient entre 90 et 125 pages alors que celui d’un film pornographique oscille entre 25 et 28. Les 70 à 90 pages restantes servent d’essuie-tout j’imagine.
Je ne m’attarderai pas sur les dialogues, en bonne amatrice du bon mot et de la répartie mais mes tympans saignent. « T’es bonne, t’es une belle salope » : c’est un peu rapide et cash comme entrée en matière, même pour moi dont la franchise n’est plus à prouver. Tu n’as pas l’air de la connaître depuis longtemps, René, tes propos me paraissent un peu virulents pour une première prise de contact ?
Les dialogues n’existent en soit qu’avant et après l’acte sexuel : pendant, on table sur du gémissement ou des encouragements, les acteurs laissant libre cours à leur spontanéité.
Dans l’univers de la pornographie, un faux nom reste la règle : véritable image de marque, il peut être source d’humour et caricaturer celui des acteurs.rices de cinéma traditionnel. Certain.es ont des pseudonymes à coucher dehors (ou non) (elle était facile). Le trouver semble une tâche bien plus ardue que prévue : ces articles de Rue89 et BrainMagazine en détaillent assez bien la difficulté et peuvent vous donner des tips si vous désirez vous lancer. (Je suis comme ça, j’aime partager les bons plans).
Je rends à César une créativité certaine pour détourner certains titres de films : Blanche Fesse et les Sept Mains, Captain Hooker et Peter Porn, Fuck and Furious, Pascal le grand frère pineur, La vérité si tu bandes…
Un de mes jeux préférés consiste à prendre des titres de film qui peuvent également être pornographiques : Les Petits Mouchoirs, Les Deux Tours, Harry Potter et la Chambre des Secrets, La nuit nous appartient, There will be blood, Je suis une légende… De loin, mon passe-temps préféré pour les longs trajets en voiture entre amis (en famille, ça vous regarde mais personnellement, je ne pourrais pas) ou lors de réunions professionnelles à rallonge (je garde ma bouche hermétiquement close mais à la 120ème slide d’un Powerpoint, je mérite bien un peu de divertissement).
Oui, j’ai un côté beauf là-dessus. J’assume. Nous avons tou.tes nos faiblesses.
J’adore les prises de vue dans le porno : le gros plan est tel que si tu avais coincé une caméra à l’intérieur de la carcasse d’un poulet, tu n’y verrais pas de différence. Un vagin ou un croupion, la question finit par se poser : regardons-nous PornHub ou un épisode de TopChef extrêmement mal cadré ? Etchebest, es-tu là ? Les images, brutes et implacables, peuvent te brûler la rétine si tu n’y prends garde.
Certaines thématiques me laissent perplexe : « je couche avec ma demi-soeur » ou « Maman a arrêté la leçon en ligne avec son fils et l’a baisé« . Je sais que tous les goûts sont dans la nature mais là, on table tout de même sur du très mauvais. Game of Thrones, c’était fictif hein ? Le bail Jamie et Cersei n’est clairement pas à reproduire ? Lisez des tragédies grecques type Phèdre si l’inceste vous fait fantasmer mais en toute franchise, appelez un disciple de notre ami Freud ou Lacan. Et surtout, n’invitez personne à vos dîners de famille.
Sodomie (avec ou sans douleur, faites vos jeux, on laisse le choix car on est sympa), bukkake (et non, je ne parle pas de la gastronomie japonaise type bukkake udon ou soba), triolisme, partouze, MILF… Que des pratiques communes, réalisées par le plus grand nombre, dites-moi. Après l’on s’étonne qu’au début de sa sexualité, chaque être humain se sente investi d’une mission suprême et soit à la recherche de l’extrême. Le missionnaire du samedi soir parait tristement désuet.
Fellation, vaginale, anale, faciale : ce n’est pas la route du rock mais la route du cock. On mise sur du phallus à gogo.
D’ailleurs, les hommes n’ont pas de pénis mais de réelles branches, que dis-je des troncs d’arbre, dont la simple vue me donne des sueurs froides. A vous, amis masculins qui complexez, soyez sans crainte : aucune personne ne bave sur le chibre d’un acteur porno. Aucune. Ou, tout du moins, sans lucidité. Si cela ne rentre pas (ou alors avec difficulté) dans nos bouches, cela ne donne pas spécialement envie de creuser pour le reste. Une pareille chose devient une source d’angoisse et sous-entend une cystite du feu de Dieu. Au mieux.
Les femmes ont toutes des seins parfaitement ronds et sphériques, des fesses implantées plus solidement que la mauvaise foi du gouvernement sur l’affaire des masques. A se demander si des casques de moto ne sont pas cachées sous la peau : comment font-elles pour être assises sans rebondir sur leur chaise ? Melons pour le haut du corps, pastèques pour le bas : « Non, non, je ne suis pas refaite« .
Mesdames, vous ne pouvez pas me dire ça. Sincèrement. Ou alors la nature est vraiment une garce et joue à la loterie pour les attributs physiques. Je me sens flouée. Mon mètre 80 et mes cheveux ondulés font pale figure face à de tels prodiges, qui défient les lois de la gravité.
J’oubliais que les femmes sont toutes aussi épilées parfaitement et en intégrale, de préférence. Et surtout, elles n’ont jamais leurs règles. Cela arrive une fois par mois tout de même et pendant cinq jours… Où est ce sang que je ne saurai voir ? Allez-vous le tourner de couleur bleue ?
Où est le préservatif aussi ?! Vous n’allez pas me faire croire que dans les vidéos orgiaques, ils se sont échangés leurs tests respectifs et que la confiance règne, les yeux fermés (ou grands ouverts) ?
Les acteurs sont sous pile, cocaïne, shot de gingembre : il n’y a jamais de pause. Ils enchainent les positions les plus acrobatiques de la terre : je regarde du patinage artistique et de la GRS sur drap.
Malheureusement, mon côté terre à terre revient en deux coups de cuillère à pot : mon dieu mais il va se faire un tour de rein, elle n’a pas peur de tomber et de se casser un bras ? Je vois déjà la déchirure musculaire dans sa cuisse gauche… Quel est ce bilboquet et diabolo humain ?
Soyons honnêtes : le porno est un peu le guilty pleasure. Si tu veux jouir vite quand ton imagination a posé une RTT, il s’agit de la solution de repli par excellence.
Son problème reste dans sa capacité à faire de norme les fantasmes les plus complexes et à décaler notre sens de la réalité. Tout semble si facile et si logique, le tout dans un culte permanent de la performance. Déshumanisé, mécanique.
Je terminerai sur le fait qu’il n’y a pas ou peu de tendresse. D’amour. Pour les faibles, ça.
Et toi qui lis mes lignes, tu sais aussi bien que moi que cette simple émotion peut transformer un coup moyen en un des meilleurs plans de ta vie.