Les vacances entre amis

L’été touche à sa fin.

Covid oblige, ces vacances estivales furent masquées et dotées d’une saveur plus particulière que les années précédentes. Un peu douce-amer.
Aujourd’hui, fringuant.e.s, vous vous préparez à attaquer la rentrée avec courage : 13% de PIB à rattraper, cela ne va pas se faire en s’abrutissant devant les Chtis.

Je fais partie des personnes ayant eu la chance de m’enfuir cet été, à plusieurs reprises, loin de Paris et sa canicule. Je me la suis jouée tribu de potes version Les Petits Mouchoirs : rires, huitres et Cap Ferret. Les fouines et le maniaque de la tondeuse en moins.

Ce court séjour m’a laissé apaisée et a remis certaines de mes idées en place.
Partir avec des ami.e.s reste l’assurance de voir s’écouler les jours sur un rythme d’une belle douceur, ponctués de fous rires, de discussions passionnées, de bains de soleil, de cuites et de barbecues.
A plusieurs reprises, je me suis surprise dégoulinante de niaiserie, à fermer les yeux pour immortaliser l’instant et savourer ces moments de grâce.
J’ai pris conscience de ma chance d’être si bien entourée. Qu’importe le lieu où je dépose mon sac de voyage, je me sentirais toujours chez moi si ces personnes se trouvent à mes côtés.

J’ai été chanceuse. Ce ne fut pas toujours le cas.

Si je décidais de me lancer dans le cinéma, je ne réaliserais pas « Les Petits Mouchoirs » mais bien « Les Grands Linceuls » (appelle-moi Guillaume, j’ai plein d’idées).

L’avantage des vacances te permet de voir si la personne en face de toi est en réalité un.e pote ou un.e ami.e. Plongé dans le quotidien, les masques tombent avec une désarmante facilité et R., si charmant.e en soirée, devient LA principale source d’exaspération de tes vacances. Plus que le mauvais temps, l’insolation, le prix hallucinant d’une bière en terrasse, la piqûre de méduse, le coup de soleil faisant la fortune de Biafine… L’enfer, c’est les autres. Ceux-là même avec qui tu es parti.

L’ami.e que tu adores d’habitude pour sa capacité à s’intéresser à de réelles problématiques, à des enjeux de société, devient insupportable. Rien n’est léger et dans la joie de l’instant présent, du moment partagé. Tu comprends soudainement pourquoi Arielle Dombasle semble toujours un peu perchée. Un mariage avec BHL, ça laisse des marques et une bonne ardoise auprès de ton dealer.
– Non mais je n’ai pas eu de discussions intéressantes depuis le début des vacances. Lorsque vous jouiez au Molki, vous ne parliez que de cela.
Ca va là-haut ? Tout se passe bien ? Tu solutionnes souvent le conflit israélo palestinien, la théorie de la relativité et le remède contre le cancer lorsque tu vises le cochonnet ?

Très souvent, tu découvres aussi les raleur.se.s. compulsif.ves. Pour qui cracher leur venin à longueur de journée revient à exister.
– L’eau est trop froide, on a vraiment un temps pourri, ma salade n’était pas terrible, je n’aime pas la mer, ni marcher en forêt, le matelas de mon lit est trop dur, trop mou, trop creux, trop doux, trop soyeux.
Bon sang de bonsoir, je n’ai pas pensé à glisser un baillon ou du Xanax dans ma valise… On fait comment ?
Je lance un Leetchi pour te rapatrier fissa à Paris via le premier train ? Quoi que non, pas besoin de cagnotte, je casque les 350 balles de ma poche.

Il y a aussi l’assisté.e, celui qui ne peut rien faire seul.e. Prendre un bouquin, se balader tranquille, écouter de la musique, faire la sieste all by himself n’est point possible. Il geint comme une âme en peine dans la maison alors que tu tournes les pages de ton thriller avec allégresse.
– Mais viens avec moi jouer au jokari, tu ne fais rien.
– Je lis.
– C’est rien faire.
Un petit coup de culpabilisation et tu te retrouves parent.e par procuration d’un gosse de trente ans alors que tu n’as rien demandé.

Ce type de personnalités peut combiner également le statut d’hyperactif. Celui qui se lève tous les matins à 7 heures et veut aller courir les lieux culturels et parcours historiques de la région.
– Il faut absolument qu’on aille voir le musée du papier peint ! C’est à deux heures de route donc il faudrait qu’on parte à huit heures pour y être à l’ouverture. Ensuite, on peut aller faire une dégustation d’estomacs de porc farci et après, la visite du camp de concentration de Natzweiler-Struthof…
MAIS PUTAIN, NON, TROIS FOIS NON, LAISSE-MOI DECUVER.

Tu as ceux et celles que tu ne vois pas des vacances et qui restent dans leur lit à mater Netflix. Bon. On imagine que l’air dans la chambre campagnarde est plus pur que celui du studio parisien.

Il y a toujours une personne qui n’en branle pas une. Le partage des tâches ménagères ? Ména-quoi ? Hein ? Connais pas.
Elle se réveillera trop tard pour préparer le petit-déjeuner, filera à la piscine pour ne pas débarrasser, mettra les pieds sous la table au déjeuner et au dîner, usera de toutes les ruses et la fourberie nécessaires pour en faire le moins possible.
En tout et pour tout, elle se cognera la vaisselle et la cuisine une fois. Et bien évidemment, elle vendra ses exploits surhumains tout au long des vacances.

– Elles étaient bonnes hein mes pâtes au pesto ?
Tu parles de ce que tu as cuisiné il y a dix jours ? Oui, oui. Trois macarons au Michelin. Dommage qu’on parte aujourd’hui, t’aurais peut-être pu nous en refaire.

Très souvent, ce sinistre personnage reste un.e bordélique digne de passer dans « C’est du propre » : sa valise a littéralement explosé. Tu retrouves ses affaires dans des lieux incongrus et tu as beau tenter de les rassembler à des endroits fixes, un vent magique souffle pour les redispatcher aux quatre vents.
– Tu peux récupérer s’il te plaît ta serviette, ton t-shirt, ton string, ta boîte de préservatifs, ta brosse à dents et ton bouquin sur mon lit ?

Parlons aussi des sujets qui fâchent : l’argent et le sexe. Ces deux tabous se retrouvent également en vacances, sinon ce n’est pas drôle.

Tu te rends compte que ce pote, soit-disant économe, est en réalité la pire pince de la création. Il épluche les tickets de course à l’apéro (même Patrick Sébastien et le meilleur rosé n’arrivent pas à rattraper l’ambiance). Il ajoute le paquet de pâtes à un euro dans le Tricount.
– Vos courses, elles étaient pour cinq jours et je ne reste que quatre. J’aimerai qu’on fasse un pro-rata.
A 80 balles pour sept, la différence va surement fissurer ton PEL.
Il y a aussi le pote qui est parti sans thune et du coup, freine des quatre fers pour toute idée impliquant une dépense. Si l’on pouvait ne pas faire de restaurants et se nourrir exclusivement de salades de riz, cela lui irait très bien.
– C’est compliqué en ce moment.
On ne paye pas la baraque, on a réussi à toper les Ouigo au plus bas du bas et t’es sérieusement en train de refuser le restaurant avec la pizza à dix balles ? Personne n’a signé pour Pékin Express en plein pays basque.
Il y a aussi l’autre extrême : le pote en dehors des réalités. Il gagne en un mois ce que tu récoltes en trois, son budget loisirs revient à ta paye mensuelle.
– Dites, j’ai eu une super idée ! Vous ne voulez pas qu’on se fasse une aprem jet-ski et le restaurant étoilé sur la côte ? Leurs langoustes semblent extraordinaires.
Non, pas besoin. C’est toi que je vais manger.

Faire les courses communes relève aussi du parcours du combattant. Il y a la team premiers prix et qu’importe si les tomates sont moisies, les intolérants au gluten, au lactose, les végétariens, les obtus d’esprit (« ah non mais je n’ai jamais goûté d’aubergines et je n’en mangerai pas »), les addicts (« je bois une bouteille de coca par jour, il faut qu’on me prenne un pack perso »). Le Carrefour devient la scène de toutes les engueulades dignes de « Confessions Intimes » et lui envoyer le caddie dans les tibias devient plus tentant qu’un ticket gagnant EuroMillions.

Des fois, il y a des couples présents dans la maison du bonheur. Dégoulinants de niaiserie, tu te bats pour t’épargner la chambre collée à la leur. Les remake de YouPorn, pendant dix jours, entre 3 et 10h du matin ne conviennent à personne. Ils arrivent, souriants, les cheveux décoiffés et plein d’épis alors que tes cernes sont de la couleur de ton bol de café.
– Tu as une petite mine, tu n’as pas bien dormi ?
– C’est la saison des amours des blaireaux cette année et elle est assez bruyante.

Hélas, les couples finissent bien par s’engueuler à un moment ou à un autre. Et en public pour jouer sur la carte de l’animation, histoire de prendre les copains à parti alors que vous vous concentrez tous soudainement sur l’étiquette de la bouteille de Ricard.
– Non mais tu es insupportable ! Vous n’êtes pas d’accord ?
Code rouge. L’objectif n’est pas de transformer nos vacances en huis clos d’Agatha Christie. On tablait plus sur une ambiance jouasse qu’austère.

D’autres fois, des couples se forment. Tu les vois roucouler, disparaître mystérieusement dans le jardin passé une certaine heure de la nuit et ceux qui partagent une chambre dealent pour virer leur coloc de piaule à l’amiable. Les autres font bien évidemment des paris sur la longévité de la relation à venir alors que les principaux concernés démentent.
– Non, non, on a juste pris une douche ensemble car toutes les autres salles de bain étaient prises. On voulait gagner du temps avant d’aller au restaurant.
Respecte mon intelligence quand tu me mens s’il te plaît. L’excuse d’un problème de plomberie, même si tu es incapable de déboucher un évier, serait mieux passée.

Enfin, comme nous vieillissons, nos ami.e.s décident de faire des gamins pour compléter cette fameuse To Do List de la vie d’adulte. Le principe des vacances entre amis ne tient plus : il faut ramener les greffons. Histoire qu’ils ne soient pas seuls à subir la sieste l’après-midi, les hurlements pendant la nuit, l’interdiction de dire des gros mots, de faire la grasse matinée, de se cogner le barda de l’angoisse sur la plage pour faire des châteaux de sable.
Ils se jettent en plus sur l’idée d’avoir des baby-sitters gratos à domicile.
– Non, va passer l’après-midi avec Tata, elle va te lire une histoire.
– Tata dévore Shining dans l’instant présent, tu es sûre ?

– On s’amuse bien, hein ?
Oh oui, c’est merveilleux. Et sinon, il la boucle quand Edgar ? Il hurle depuis quarante-cinq minutes, il est huit heures du matin et il a laissé sa couche pleine sur le canapé.
Les défauts de l’éducation de tes potes te sautent au visage et tu prends sur toi pour ne pas provoquer un esclandre.
– Tu peux dire à ton gamin d’arrêter de me taper et lui apprendre accessoirement les mots « merci » et « s’il te plaît » ? Sinon, je fais un petit Gregory dans la piscine.

Avec cette chronique, j’imagine avoir rallongé la liste des personnes me voulant du mal mais je n’ai qu’une seule parole. Cela me perdra et fera la fortune des tueurs à gage. Les contrats sur ma tête relanceront l’économie française et feront baisser la location de votre prochain AirBnb pour la Toussaint. Ne me remerciez pas.

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