
On ne l’avait pas vu venir celle-ci, hein ?
Non, je plaisante. C’était attendu, vu et revu. Même la Madame Irma la plus cheap de toutes les fêtes foraines aurait pu nous le prédire.
« Le COVID » (oui, on ne tablera pas sur un « la ». Il y en a assez que, dès qu’un évènement devienne un tant soit peu négatif / glauque / chiant, on le féminise. A ce que je sache, Hanouna et Zemmour sont des êtres masculins et responsables de la propagation de réels fléaux : méchanceté, bêtise, obscurantisme et j’en oublie. Donc on se dira que le COVID reste la variante bactériologique et invisible de ces deux personnages. Point barre.), LE COVID, donc, est toujours là, bien décidé à s’accrocher à nos basques et notre quotidien comme un chewing-gum dans les poils d’une moquette.
Ce billet sera très parisiano-célibataire centré, je m’en excuse. Mais, au moins, cela vous confirmera que vous êtes bien plus guillerets et guillerettes dans votre 450 mètre carré à Foix que coincé solo dans la ville lumière.
2020 n’est clairement pas l’année de Cupidon. Je pense que le petit malin a décidé de poser d’un coup toutes ses RTT en retard. Flemme, les copains, là je pars me cogner un road trip, débrouillez-vous donc. Soyez créatifs.
Trouver l’amour en 2020 est plus difficile que de découvrir la planque de Xavier Dupont de Ligonnes.
Car oui, le couvre-feu exhibe plein phare la difficulté de dater : déjà, le confinement avait frappé fort mais il ne fallait pas s’arrêter en si bon chemin. Qu’est-ce qu’il nous reste donc comme option ? Prendre le thé en weekend pour un premier rencard, sortir avec son voisin de palier, s’offrir une retraite spirituelle amoureuse ou prendre des actions chez PornHub ?
Le couvre-feu nous challenge : il faut être sûr de vouloir se cogner la personne de 20h59 à 5h59 le lendemain. C’est long neuf heures avec quelqu’un que l’on n’apprécie pas plus que ça, à l’entendre ronfler dans ses draps propres.
Auparavant, vous rameniez le crush chez vous, vous faisiez votre petite affaire et vous gardiez en tête l’objectif net, clair et précis qu’il réintègre ses pénates après coït. Vous lui en faisiez part, la bouche en coeur, s’il n’avait pas la décence de le proposer de lui-même.
Mais ça, c’était avant. Le « il était une fois » dans les livres de conte, cette lointaine période pré-covid, celle où nous pouvions faire la bise, boire des bières jusqu’au bout de la nuit, cette autre époque remontant à 3 siècles et demi… A chaque fois que je regarde des films ou des séries où les gens ne portent pas de masque et s’embrassent, j’éprouve la désagréable sensation d’être plongée dans un film historique ou de science-fiction, tout en luttant contre l’envie d’hurler aux personnages « mais où est votre gel hydroalcoolique ? A quoi pensez-vous donc, bande d’inconscients ? ».
Enfin bon, le couvre feu aura le mérite de claquer le beignet aux Parisiens prétentieux. Vous savez de qui je parle : ceux pour qui vivre de l’autre côté de la Seine représentait une déchéance infinie. Ils faisaient les malins type « ah mais t’habites rive droite ? LE QUINZIEME ? Mais tu ne vis pas à Paris. Je préfère manger des choux de Bruxelles pendant un an plutôt que de vivre là-bas. Il n’y a rien à y faire, tu ne peux pas sortir, franchement je préfère continuer à être dans mon 12 mètres carrés à 900 euros plutôt que ça.«
Bah alors, les potes, on fait moins les malins là ? Tout Paris est devenu Rive Gauche ! Votre quartier si vivant devient Lourmel, le terminus de la ligne 8. Mais promis, vous allez voir, on s’y fait plutôt bien. (Pour information, le troquet en bas de mon immeuble propose des pintes à trois euros et l’ambiance est digne des bars les plus hypes de Voltaire. Mais restez où vous êtes, même après le couvre-feu, s’il vous plaît).
Nous sommes donc revenus à la case 15 ans : ce fabuleux moment où, privé de sortie et enfermé dans notre chambre, nous regardions des séries, jouions aux SIMS et chattions sur MSN.
Quitte à me cogner un retour vers le passé, j’aurai préféré tabler sur les goûters d’anniversaire, les Disneys passés en boucle et un métabolisme d’enfer qui me permettait de me goinfrer de pizzas sans prendre un gramme. Mais non, autant passer par la case privés de sortie, c’est plus fun.
A cinq ans, nous étions punis car nous avions dessiné sur le mur. A quinze ans parce que nous avions séché les cours. Aujourd’hui, nous sommes enfermés car quelqu’un a mangé un pangolin.
Mère Nature se comporte en plus comme la maîtresse : « je punis tout le monde tant que le coupable ne se dénonce pas ». Mais on sait qui est le coupable (enfin, pas précisément non plus, je n’ai ni le patronyme ni l’adresse de cette personne), ON LE SAIT. Quelqu’un a graille un pangolin comme on s’enfile des Choko Bons, un plaisir un peu coupable que l’on regrette le lendemain.
Il faut croire que Mère Nature est comme notre enseignante revêche, tordue et méchante de CM2 : elle a décidé de la punition et elle ne sait quand elle la lèvera. Malgré tous nos efforts à nous enduire de gel hydroalcoolique au point d’en mettre notre peau des mains à vif, porter des masques colorés et se faire des high fives du coude.
En terme de sociabilisation, il nous reste donc les grosses soirées pyjama, youpi, youkaïda, haha, qu’est ce qu’on s’amuse. On ne peut pas en plus faire de bruits plus que cela car l’on craint que nos voisins se croient en 40 et appellent les flics, la voix basse et sournoise « Allô ? Oui, je viens d’entendre SEPT personnes distinctement au-dessus de chez moi… Oui… Je vous contacte car il est 20h30, nous nous approchons d’une double infraction tout de même… »
Ambiance délation, mesquinerie et trahison : 2020, que tu es belle.
Ou alors, nous n’avons d’autre choix que de devenir des Anglais. Nous commencerons à boire dès 17h pour rentrer ronds comme des barriques à 20h30. Le couvre-feu pousse à un alcoolisme en plein jour des plus déplorables : « je ne te propose pas de jus d’abricot-papaye pour le brunch, on va commencer par une bière puis après du vin et on terminera par du champagne. Oui je sais, il est 10 heures mais il nous reste peu de temps ! ».
On saignera Netflix, Amazon Prime, Disney + et on sortira de ce couvre feu dotés de la plus grande culture cinématographique de tous les temps. Je cesserai peut-être pour ma part de recommencer Friends sitôt le dernier épisode de la saison 10 terminé, dans une boucle spatio temporelle qui ne prend jamais fin. Vous regarderez Emily In Paris ou Plan Coeur pour vous rappeler à quoi ressemblait la nuit parisienne.
Je rigole, bien sûr. Ces deux séries sont un vaste mensonge visant à attirer les touristes dans la ville lumière, en leur vendant une capitale propre et des locaux bienveillants, vêtus de trenchs, de bérets et de mocassins, une baguette sous le bras et un croissant tous les matins au Café de Flore. Les scénaristes n’ont jamais du mettre un pied à Stalingrad, Porte de La Chapelle ou aux Halles, dans le couloir entre deux RER, la ligne 13, les rats de la taille d’un chat dans les parcs. Mais bon, je m’égare et crame ma chronique à venir sur « Paris dans les séries : ce mensonge éhonté ».
Je vous invite à la place à lire, dévorer ces romans qui prennent la poussière sur votre bibliothèque, vous gorger de mots, d’histoires, à rêver. Belle du Seigneur et ses 1120 pages, c’est jouable en six semaines. Lisez donc.
Il y a également les chroniques d’un blog sympa, j’ai nommé La Grande Brune. Je ne sais pas si vous connaissez mais c’est pas mal, la nana rédige plutôt bien (bon, elle ne sait pas encore trop se positionner vis à vis de l’écriture intrusive, elle a deux trois tocs de langage désagréables et la fâcheuse habitude de caler un ou deux tueurs en série pour le côté mainstream). En plus, elle publiera désormais ses chroniques à 20h30 (elle sait bien que vous n’avez que cela à faire, à partir de 21h, elle a un côté un peu voyante elle aussi).
Et si, en plus vous faites gonfler ses statistiques, elle pourra bientôt réaliser des partenariats pour du dentifrice, des Barilla, Lotus ou Passage du Désir. Et ça, ces petits codes promo, ça peut être utile si on nous reconfine en bonne et due forme. Je pose ça là.