
J’aurai aimé vous faire rigoler cette semaine. Parler du kitsch, des petits riens, des parents, de bon grand nombre de choses.
Mais raté. Peau de chagrin. Je la porte en veste depuis quelques jours, en manteau presque sans que cela ne soit relié aux températures abyssales de décembre. Une veste de crispations et de froncements de sourcils que mes proches dénichent vite, camouflée difficilement sous un fond de teint. Derrière mes rires et mes vannes : celles-ci sont moins acides et spontanées que d’habitude. Je tâtonne, je trébuche, je me flagelle de nouveau avec fureur lorsque ma maladresse transperce. Quand ma vulnérabilité éclate par ces mots qui m’échappent.
Il n’y a rien de grave dans ma vie en ce moment. Une accalmie évènementielle, où tout semble glisser sur mes épaules comme la pluie sur une vitre. Cela ne fissure pas, ne casse pas mais cela laisse des traces. Visibles. Il faut croire que je ne me construise que dans l’effervescence de la douleur. Masochisme, certains diraient.
Cette inertie ne me provoque pas de larmes salvatrices. Pour pleurer, il faut une bonne raison. Une rupture, un licenciement, une engueulade, un petit doigt de pied écrasé contre une table basse. On ne pleure pas pour le plaisir.
J’en viens presque à souhaiter l’absurde. A me formuler silencieusement le soir cette prière : envoyez-moi une tuile dans ma vie, une belle, une fuite d’eau, perdre le bijou de ma grand-mère, quelque chose qui me donne la légitimité de chialer un bon coup et d’hurler ma rage. Rendez-moi les pleurs.
Je tente pour autant de me faire du mal et d’évacuer via une catharsis cinématographique ayant déjà fait ses preuves : Grey’s Anatomy, The Notebook, Les Petits Mouchoirs, Titanic, The pursuit of happiness. Que ça hurle, sanglote, chouine un coup devant le malheur des autres.
Et non. Nada. Peau de balle. Les larmes se sont délocalisées hors de mon corps mais la tristesse occupe bien tout le plexus solaire. J’erre comme une âme en peine, voulant me botter le cul mais n’ayant même plus cette énergie.
Car oui c’est peut être cela le pire : je me hais de me trainer ainsi, d’être si grise, si fatiguée sans m’en expliquer la cause. De me sentir à côté de mes pompes, en décalage, comme derrière une vitre lorsque je m’adresse aux gens. Même mes proches deviennent autres dans ce genre d’instants.
« Il faut ressentir pour laisser partir » : je me refuse à sombrer, à jeter un oeil dans les tréfonds de ma psyché. J’accepte qu’une fois dans l’année, au début de décembre, quand le monde s’illumine pour Noël, mon énergie s’éteigne. Que mon âme devienne grise.
Car je sais qu’au coeur de chaque hiver émotionnel, chaque angoisse grisâtre où l’obscurité règne, la joie s’y cache et elle reviendra. Vive et printanière. Je la retrouverai dans le sourire d’un passant, le geste d’un de mes proches, une phrase d’un bon roman, une chanson, un pas de danse.
Que l’espoir se réveille.