La nausée

Je n’ai jamais été passionnée de politique. Au lycée, j’observais, fascinée, ces élèves qui bloquaient les lourdes portes avec des poubelles, des grilles, tout ce qu’ils pouvaient trouver. Egoïste, je les laissais se cogner cette tâche ingrate et n’oubliais pas d’en savourer les bénéfices : une après-midi au café à parler garçons, soirées et cigarettes plutôt qu’à m’endormir en cours de philo. Une bonne citoyenne.

Hier, je suis allée voter. A reculons comme souvent car je ne me retrouve que très peu dans les programmes et les personnalités de nos politiques. Je suis, de plus, désabusée devant ces casseroles par centaines dont ils sont propriétaires : une belle panoplie Tefal. A croire que pour intégrer notre gouvernement, un casier judiciaire vierge est une honte. Rajoutez-nous des accusations d’harcèlement sexuel, des détournements de fonds… Et enfermez bien ce migrant ayant fui son pays en guerre, ce SDF ayant volé un paquet de pâtes, ce jeune dealant un peu de beuh les weekends. L’univers carcéral n’accueille pas en ces murs des diplômés de l’ENA – les cellules y sont sûrement trop petites.

On m’a forcée à passer par l’isoloir alors que je m’en cognais de faire semblant d’hésiter derrière les rideaux. Je n’avais pris qu’un papier, dans une sourde superstition : si je touchais le bulletin de l’innommable, elle passerait peut-être. Mes cheveux tomberaient et je perdrais mes dents dans la foulée.

J’ai voté Macron donc. J’ai voté comme quelqu’un qui ne croit plus en grand chose. Désabusée. Perplexe. Triste. Effrayée de voir des jeunes partisans du FN et du RN vomir leur mépris et aigreur. Les vieux, on ne les changera pas, ils utilisent la même marque de lessive depuis 30 ans – on connaît leur côté borné face au changement. Mais que penser de ces 25-35 ans votant pour un pays gouverné par la haine ? Quand l’éducation des parents a-t-elle failli ou cessé d’être une doctrine de laquelle s’émanticiper ? Comment peut-on mettre un papier donnant bénédiction à un obscurantisme plus que certain ?

Il faut de tout pour faire un monde.
Mais celui dans lequel j’évolue commence à me filer une sacrée gerbe. Je pourrais laisser tomber, déposer les armes et me cacher derrière ce fatalisme. Je pourrais sinon me foutre en l’air, ce serait peut-être plus simple. Moins douloureux et moins long. Mais ça serait perdre. M’avouer vaincue.

A la place, je vais rire, écrire, danser, monter sur scène, envoyer chier les autres et mettre des cierges (beaucoup de cierges). En espérant que tous ces « non essentiels », ces artistes, ces vibrants, ces heureux, ces LGBTQ+, ces étrangers, toute cette foule que nous sommes et qui effraie tant les extrêmes… Continue de croire en un monde moins moche. Et grâce à cette croyance et cette liberté dans nos veines, nous ferons bientôt de ces jours grisâtres et ternes, un mauvais souvenir.

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