La canicule à Paris

Je suis née, j’ai grandi, vécu, étudié et travaillé à Paris. Véritable refuge où je compte une grande partie des miens, quitter la ville lumière revient à me séparer d’un amour de longue date, d’une bonne amie. Je reste donc, supportant ses atouts (bars et restaurants, le Louvre, Versailles, Notre Dame, cinémas, librairies) et ses défauts (loyer exorbitant, courses payées rubis sur l’ongle, prétention des Parisiens, mépris des Provinciaux à mon égard).

Je m’en suis cognée des hivers, des printemps, des automnes mais surtout des étés. Et Paris sous canicule me donne clairement l’envie de me pendre et de tout plaquer pour vendre des churros sur une plage méditerranéenne.

A toutes les personnes qui soupirent d’aise « oh lalala j’adore l’été, c’est vraiment ma saison préférée », je vous souhaite du mal. Réellement.
Pour vous donner une idée, j’avais prévu d’écrire une chronique sur ma haine du métro mais la chaleur caniculaire sévissant à Paris, le ventilateur branché en direction de mon lit où je suis échouée telle un beluga en sous-vêtement, m’a redonné un coup de fouet et l’envie d’affuter mes canines sur une autre thématique.

Paris et chaleur ne font pas bon ménage.
C’est joli, hein, les quais de Seine. Je ne remets pas la beauté du lieu en question. Mais bronzer avec du monoï et bouquiner a quand même plus de gueule sur une plage de sable que sur des pavés brûlants, encore imbibés du mauvais vin de la veille.
Tous les Sudistes et provinciaux se frottent les mains à cette période de l’année : ils ont la mer ou l’océan. Nous, on se cogne Paris Plage et une Seine où il ne fait pas bon tremper un orteil si l’on veut s’épargner un rendez-vous en urgence chez le dermatologue.
– Nous allons devoir vous amputer du pouce, les tâches vertes et roses ne partiront jamais. Vous venez conjointement d’attraper la peste, la gale, le choléra et une nouvelle variante du Covid, juste en laissant votre main effleurer l’eau du fleuve parisien.

Je suis mauvaise. Il reste la piscine, bien sûr. Dans mon cas, j’ai une phobie IMMENSE du pédiluve, repère à verrues et mycoses. Les enfants défèquent en toute détente dans l’eau chlorée et la simple idée de boire la tasse par mégarde me donne l’envie de me désinfecter l’estomac à la javel.
(Et oui, à la grande loterie de la vie, j’ai écopé de mauvaise tolérance à la chaleur et maniaquerie. De quoi transformer tous mes étés en enfer.)

Je ne suis pas seule à supporter difficilement la chaleur. Nous sommes légion à trouver des astuces pour lutter contre cette température : même si tu es dans l’instant présent près de la mer ou à la campagne, tu sais très bien de quoi je parle.

Tu réfléchis à deux fois avant de prendre un transport en commun. Avons-nous réellement besoin de voir M. avant son grand départ pour son road trip d’un an, ce qui implique 50 minutes de trajet et trois changements ? Sur la 13, la 8 et la 5 en plus…
Picard devient ton havre de paix et tu te surprends à t’y perdre comme à Disneyland, sous l’oeil suspicieux des vendeurs. Non, tu ne viens pas voler des langoustes mais tu songes à y déposer un CV pour les deux prochaines semaines.

Pour profiter de la climatisation, tu en arrives à des extrêmes. Tu te surprends presque à monter dans le métro sur la ligne 1 et la 14, à se faire des allers-retours complets. Tu vas au cinéma voir des films qui concentrent toutes tes angoisses (guerre civile, famine, meurtre, psychose), scénario et dialogues creux à pleurer et vieillards malodorants à tes côtés. Tu ressors à moitié enrhumé.e mais satisfait.e de ne pas avoir rendu un litre de sueur sur le fauteuil.

Tu te transformes en vampire où tu vis les volets fermés en permanence, dans l’espoir illusoire de conserver un semblant de fraicheur. C’est l’hiver, avec les journées qui finissent à 9h et débutent à 17 mais sans le froid vivifiant et la raclette. Tu achètes un ventilateur qui brasse de l’air chaud et évoque le bruit d’un avion au décollage, juste pour respirer un chouïa mieux. A six heures, tu es debout pour ouvrir en grand les volets et faire chuter de trois misérables degrés ton appartement. Tu tentes de dormir mais ton sommeil est tout sauf qualitatif : tu suffoques, le simple contact du drap sur ta peau ressemble à du cachemire réchauffé devant la cheminée.

Puis tu te sens sale. Tout le temps. En permanence. Tu passes la journée sous des torrents d’eau glacée, tu en ressors satisfait.e et dix minutes plus tard, tu es de nouveau poisseux.se comme un bonbon au miel laissé dans un paquet. Il y a de quoi devenir fou et folle à lier.
Tu développes le naturisme et tu finis par ouvrir sans trop de scrupule à ta gardienne en culotte et t-shirt.
Même ta peau est trop épaisse et chaude à porter : ne pas avoir de vis-à-vis devient un avantage certain, bien plus qu’un ascenseur et l’électricité commune.

Tu as toujours les couples insupportables « ah lalala, j’adore faire l’amour l’été ». Mais qui êtes-vous ? Des masochistes ou des suicidaires ? Ne pas savoir à la fin du coït ce qui relève de la sueur ou des sécrétions génitales rend la partie fine plus amusante, type Cluedo du corps humain ? Ces personnes veulent en réalité être des dauphins. Elles glissent sur le corps de l’autre comme Flipper sur une vague.

Mais il y a des héros pendant ces heures sombres. Des gens qui méritent notre respect ou, à minima, notre admiration devant leur intégrité face à leurs convictions.
Les gothiques. Il en faut du courage pour continuer à porter du noir, de la dentelle et des Doc Martens, se tartiner d’eye-liner (la canicule de 2003 avait tué dans l’oeuf ma volonté de rejoindre ce groupe socio-culturel).
Les hommes d’affaire de La Défense, ensuite. Être un requin capitaliste implique un costume en été et une chemise à manche longues. Nous les voyons suer à grosses gouttes, le gris clair passant au gris foncé. On les autorise à porter des chemisettes : on aime l’argent mais on a un coeur tout de même dans les tours à 1000 étages. Problème : le sex-appeal en prend un coup. La chemisette évoque Carlos, ce n’est pas très Big Bisou cette affaire.
Un des rares avantages d’être une femme (enfin un) reste de porter au travail des robes, des jupes, des débardeurs quand nos confrères se cognent le corporate jusqu’à l’insolation.

Mais Paris reste magique au mois d’août lorsque les rues sont désertes : on compte ainsi plus de pigeons que de touristes à Montmartre (du jamais vu). Les Parisien.ne.s se sont enfuis et il ne reste que les braves, les courageux.ses, les décidé.e.s, les volontaires. Ou les pauvres, qui n’ont pas 300 balles à claquer pour un aller-retour SNCF en France. (La SNCF, votre tour viendra mais après le métro).

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s